Grands personnages oubliés de Grenade IV: Álvaro de Bazán
Découvrez l’histoire d’Alvaro de Bazán, le grand marin espagnol du Siècle d’Or, né à Grenade, qui ne perdit jamais une bataille et fut le stratège derrière l’Invincible Armada.
Qui était Álvaro de Bazán ? (l’homme qui ne perdit jamais une bataille)
Parmi les nombreux métiers que j’ai exercés dans ma vie, il y eut celui de marin : un travail dur, certes, mais aussi gratifiant, car la mer te rend toujours ta sueur sous forme de belles expériences navales.
Mes compagnons, tous originaires de ports maritimes, se moquaient de moi parce que je venais de l’intérieur, de montagnes et de plaines fertiles. Je leur répondais seulement par un nom… Álvaro de Bazán. Et le silence devenait unanime.
Le Grenadin qui ne perdit jamais une bataille. À une époque où les mers étaient des champs de bataille et les navires de véritables forteresses flottantes, Álvaro de Bazán fut le stratège parfait, le héros silencieux du Siècle d’Or espagnol et notre illustre personnage oublié, à qui je dédie ce blog.
Il naquit à Grenade (oui, comme je l’ai dit, en pleine terre de montagnes et non au bord de la mer) en 1526, bien que sa famille fût composée de marins illustres originaires d’El Viso del Marqués (Ciudad Real). Son père, également appelé Álvaro de Bazán, surnommé “le Vieux”, était un vétéran des guerres méditerranéennes contre les Turcs. Ainsi, le jeune Bazán n’apprit pas à nager sur une plage, mais parmi les cartes, les canons et l’odeur de poudre des chantiers navals royaux.
Grenade, le berceau de l’invincible Álvaro de Bazán
Peu savent que le grand amiral Álvaro de Bazán, ce marin invaincu qui rêva de conquérir l’Angleterre, était grenadin de pure souche. Il naquit le 12 décembre 1526, en plein cœur de la ville, dans une élégante demeure seigneuriale située là où s’élève aujourd’hui la Plaza Isabel la Católica, où furent construits le palais des Bazán et le couvent de Sancti Spiritus, fondés par sa propre famille.
Les Bazán, dont le nom provient de la vallée navarraise de Baztán et qui, dès le XIIe siècle, combattaient Castillans, Léonais et Musulmans, s’étaient installés à Grenade peu après la Reconquête, sous la conduite du grand-père de l’amiral. Les Rois Catholiques récompensèrent leur loyauté par des terres, des vergers et des maisons près du Darro, et son épouse, doña María Manuel de Solís, transforma cet endroit, situé entre teinturiers et auberges, en un véritable palais Renaissance. C’est là que naquit le futur marin, entre marbre de Carrare, jardins parfumés et le murmure du fleuve Darro.
Bien qu’il quittât la ville enfant — à peine âgé de neuf ans — Grenade ne le quitta jamais vraiment. Il conserva des propriétés en ville et y revint plusieurs fois, notamment en 1553, lorsqu’il hérita du patrimoine familial. Lors de son retour, il épousa María Manuel de Solís y Benavides, sa nièce et héritière de sa grand-mère grenadine, ce qui restitua une partie du patrimoine à la famille.
Durant la Guerre des Alpujarras (1569), Bazán revint encore une fois, cette fois à la tête de troupes et de galères au service de la Couronne. On raconte qu’il emprunta à Grenade l’image de la Vierge du Rosaire de Santo Domingo, celle qu’il portera à bord de son navire La Loba durant la mythique bataille de Lépante. Depuis lors, cette image est vénérée sous le nom de Vierge de Lépante, symbole de la dévotion maritime grenadine.
Aujourd’hui, l’histoire a presque entièrement effacé la trace physique du palais des Bazán, mais son esprit flotte encore entre la Plaza Isabel la Católica et le Darro. C’est là, où jadis résonnaient fontaines et sabots de chevaux, que naquit l’homme qui ne connut jamais la défaite en mer.
De Grenade à la mer : naissance d’une légende
Dès son jeune âge, il manifesta un talent extraordinaire pour la stratégie navale. À 15 ans, il commandait déjà son propre navire, et à 25 ans, il était général des galères. Son nom se répandit dans les cours européennes, non seulement pour son audace, mais parce qu’il semblait doté d’une boussole intérieure qui le guidait infailliblement vers la victoire.
Il fut le véritable pionnier de la guerre navale moderne : il ordonna des tirs de canons en salves coordonnées, révolutionnant ainsi les tactiques maritimes de son époque.
Ses hauts faits (oui, il y en a quelques-uns)
Lépante, 1571 : le jour où la Méditerranée changea de couleur
Lors de la bataille de Lépante, Álvaro de Bazán fut la pièce clé du triomphe chrétien face à l’Empire ottoman. Bien que le plus célèbre soit Miguel de Cervantes (qui y perdit l’usage de sa main), ce fut Bazán qui sauva la flotte alliée du désastre en réorganisant les lignes et en assurant la victoire.
Açores, 1582-1583 : le marquis qui dompta l’Atlantique
Entre 1582 et 1583, le marquis de Santa Cruz (titre que lui avait donné Philippe II) commanda la bataille des Açores contre Français et Portugais révoltés.
Sa flotte écrasa l’ennemi et consolida la puissance espagnole dans l’Atlantique.
Les chroniques racontent que les ennemis disaient :
« Don Álvaro de Bazán, s’il entre en combat, la mer se tait. »
L’Armada Invincible (ou le rêve qu’il ne vit pas se réaliser)
Le grand projet de sa vie fut l’Armada Invincible, la gigantesque flotte destinée à envahir l’Angleterre en 1588. Il en fut le principal concepteur, stratège, et avait de grandes chances de réussite… mais il mourut avant le départ, victime d’une maladie soudaine.
Sans lui, tout s’effondra.
Sa mort : la fin d’un invincible
En février 1588, alors qu’il organisait la flotte à Lisbonne, Bazán tomba gravement malade.
Chroniqueurs et témoins parlent d’une fièvre intense, d’un épuisement extrême, conséquence de nombreuses campagnes, du stress constant et de la pression écrasante de diriger la plus grande opération navale jamais tentée.
Il avait 61 ans et servait la Couronne depuis presque un demi-siècle.
Même malade, il continuait à donner des ordres depuis son lit. Ses hommes venaient chaque jour recevoir ses instructions, car nul autre ne semblait capable d’organiser cette expédition colossale.
Mais son corps céda.
Le 9 février 1588, à Lisbonne, mourut Álvaro de Bazán, marquis de Santa Cruz.
La nouvelle frappa Philippe II comme un éclair. Il s’exclama :
« Dieu m’a enlevé l’homme qui en savait plus de la mer que tous les autres. »
La direction de l’Armada revint alors au duc de Medina Sidonia, loyal mais sans expérience navale.
Le résultat fut catastrophique : tempêtes, erreurs stratégiques, désorganisation.
Beaucoup d’historiens pensent qu’avec Bazán vivant, l’histoire de l’Europe aurait pu être différente.
Le marin qui ne fut jamais vaincu
Le plus étonnant ? Durant toute sa carrière, il ne connut aucune défaite. Pas une seule.
Il fut respecté par ses ennemis, admiré par ses alliés et redouté par pirates, corsaires et flottes entières.
Philippe II, peu prodigue en éloges, déclara :
« Don Álvaro de Bazán naquit sans peur et mourut sans tache. »
Aujourd’hui encore, sa figure repose au Panthéon des Marins Illustres à San Fernando (Cadix), parmi les héros de la mer.
Pourquoi devrais-tu te souvenir de lui à Grenade ?
Parce que oui, Grenade eut elle aussi un héros de la mer.
Dans une ville entourée de montagnes et de vergers, naquit celui qui allait changer l’histoire navale du monde.
Sa vie nous rappelle que le talent n’a pas de port d’attache : on peut rêver d’océans, même si l’on est né au pied de l’imposante Sierra Nevada.
Le marquis de Santa Cruz ne laissa pas seulement des victoires. Il légua une nouvelle manière de comprendre la guerre maritime et la valeur de l’honneur. Sa statue sur la Plaza de España à Madrid, œuvre de Benlliure, le montre avec un regard serein et déterminé, comme s’il scrutait encore l’horizon.
À Grenade, peu se souviennent que l’un des marins les plus célèbres d’Espagne naquit entre ses murs. Mais son esprit, aventurier et invaincu, s’accorde parfaitement avec l’âme de cette ville : courageuse, fière et éternelle.
Alors, la prochaine fois que tu entendras le vent siffler près de l’Alhambra ou le murmure du Genil au crépuscule, pense à Álvaro de Bazán, celui qui, depuis la montagne et par la rivière, descendit jusqu’à la mer pour en devenir le maître. Sans doute vogue-t-il encore, à présent, entre les nuages de la Sierra Nevada.
Petites curiosités sur Álvaro de Bazán
- Jamais vaincu : ni par Turcs, ni par Français, ni par Anglais.
- Son palais à El Viso del Marqués est un joyau Renaissance, siège actuel des Archives générales de la Marine espagnole.
- Ami personnel de Miguel de Cervantes, qui le mentionne comme modèle d’honneur et de valeur.
- Sa devise personnelle était :
« Ne pas faillir, pas même mort. »
Conseils pour suivre ses traces
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Preguntas frecuentes
Où naquit Álvaro de Bazán ? À Grenade, en 1526, au sein d’une famille de marins.
Pourquoi l’appelle-t-on “marquis de Santa Cruz” ? Parce que Philippe II lui décerna ce titre après Lépante et les Açores.
Commanda-t-il l’Armada Invincible ? Non. Il mourut peu avant son départ en 1588.
Où reposent ses restes ? Au Panthéon des Marins Illustres, à San Fernando (Cadix).
Pourquoi est-il considéré invaincu ? Parce qu’en plus de 50 ans de service, il ne perdit aucune bataille navale.
Qu’est-ce qui le rend si exceptionnel ? Son génie tactique, son leadership humain et sa conception moderne de la guerre maritime.
Épitaphe marin
« Ici repose Álvaro de Bazán,
qui en mer et sur terre ne connut jamais la défaite.
Grenade le vit naître,
l’océan en fit un être éternel. »
Fuentes consultadas:
D. Gabriel Pozo Felguera diario Independiente de Granada
Real Academia de la Historia (rah.es)
Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes
Instituto de Historia y Cultura Naval (Armada Española)
Museo Naval de Madrid
- Luis del Mármol Carvajal, Historia del rebelión y castigo de los moriscos de Granada (1600)
